Un retour aux sources pour ré-enchanter la voile

Une histoire de la voile

 Le commentaire de Benedict Donnelly sur le dernier livre d’Olivier Le Carrer « Une Histoire de la voile » chez Glénat.

Disons-le d’emblée, cette « histoire de la voile » est d’abord un plaisir…   pour les yeux !

Plus qu’une simple illustration des évolutions qui ont marqué, depuis deux siècles, l’histoire de la voile, « cet art de naviguer pour le plaisir » , l’image est un élément essentiel, structurant, du récit.

Un choix  revendiqué par l’auteur :  l’influence des peintres, des illustrateurs, des affichistes, des photographes a été, pour lui, déterminante dans l’attrait et le rayonnement de la voile.

Avec une subjectivité revendiquée, Olivier Le Carrer nous fait partager les coups de cœur de son musée imaginaire qui ne se cantonne pas aux frontières de l’Hexagone 

Paul Signac, Caspar Friedrich,  Edward Hopper, Winslow Homer, André Collot, Christen Kobke, Haugthon Forrest, John Lynn, Yvon Le Corre, la dynastie Beken, Marc Berthier… : une communauté d’artistes assemblée librement par l’auteur « pour nous dire que, toute laborieuse qu’elle puisse être, la voile est une fête »

Une fête loin d’être réservée, contrairement aux idées reçues, à quelques privilégiés : pas plus hier qu’aujourd’hui ! 

Olivier Le Carrer est, sur ce point, particulièrement convaincant . Son analyse détaillée et…. lumineuse du tableau ci-dessous, peint en 1819 par Caspar Friedrich, en atteste : «  Le peintre allemand d’origine modeste – son père tenait un petit atelier de chandelles -, s’y est vraisemblablement représenté en compagnie de son épouse Caroline. La présence de celle-ci rappelle opportunément que les femmes sont beaucoup plus présentes qu’on ne l’imagine dans l’histoire de la plaisance. Le bateau n’a rien de luxueux ; il pourrait s’agir d’une petite unité de pêche ou de cabotage comme on en trouve couramment dans les eaux danoises où Friedrich a séjourné plusieurs années à la fin du 18ème siècle. »

 Une sortie en mer qui n’a rien d’exceptionnelle :  « Les pêcheurs de tous pays ont toujours su profiter de leur outil de travail pour emmener leurs proches pique-niquer sur l’île voisine quand le ciel – et les contraintes de leur dur labeur -autorisait une pause . Ils ont aussi pris le pli de fêter les grands événements en faisant la démonstration de leurs compétences, autrement dit en organisant des courses aussi âprement disputées que festives».

Preuves à l’appui, Olivier Le Carrer tord le cou à quelques idées reçues bien ancrées dans notre inconscient collectif : 

« Non,le yachting n’a pas été inventé par de riches oisifs soucieux d’en mettre plein la vue à leurs contemporains. Cette caricature, alimentée depuis toujours par une iconographie abondante en bateaux extravagants et milliardaires à casquette, cache une histoire infiniment plus complexe. Les photographies des glorieux géants d’hier sont magnifiques mais trompeuses. A force de prendre toute la lumière, leurs voiles démesurées ont laissé dans l’ombre les véritables artisans du succès de la navigation de loisir : amoureux de la nature, sportifs, simples pêcheurs, aventuriers ou poètes. »

Pas très pertinente non plus, selon l’auteur, la distinction française entre un yachting exclusivement aristocratique jusqu’au milieu du 20ème siècle et une pratique qui ne serait démocratisée qu’à partir de cette date : qu’il s’agisse de compétition, de balade côtière paisible, ou d’expédition aventureuse a bout du monde, les marins de loisir ont toujours eu des profils très divers, représentant toutes les strates de la société. »

Cette remise à l’endroit de l’histoire de la voile de loisir n’est pas déconnectée des enjeux d’aujourd’hui. C’est même tout le contraire !

Olivier Le Carrer ne dissimule pas les effets pervers de la période récente : la bétonnisation du littoral avec ses 160 000 places de pontons bâties en quatre décennies pour des bateaux ventouse dont la plupart ne naviguent guère plus d’une semaine par an ; cette « étrange situation d’une industrie nautique qui vend maintenant des bateaux à 200 000 euros en plus grand nombre que ses modèles d’entrée de gamme », d’un secteur de la location privilégiant les grandes unités, oubliant au passage tous ceux qui aimeraient bien trouver un voilier « réellement adapté à l’usage d’une petite famille » ; l’effondrement de la pratique du dériveur, en partie dû à sophistication coûteuse – un vaurien valait,il y a 60 ans l’équivalent de 1400 euros alors que ses successeurs coûtent aujourd’hui entre 7000 et 13 000 euros .

Mais Olivier le Carrer n’est pas un ronchon nostalgique, loin s’en faut. Ce mordu de surf, longtemps moqué dans les salles de rédaction par les voileux purs et durs, est passionné par les ruptures technologiques, les révolutions architecturales d’hier et d’aujourd’hui qu’il vulgarise ici avec talent. 

S’il appelle à se souvenir des grands moments et des fortes personnalités qui ont marqué la voile d’hier, c’est pour mieux réenchanter la voile d’aujourd’hui. Son livre est un appel à la créativité, à l’imagination et à la transmission pour faire partager au plus grand nombre la beauté et le plaisir de la voile. 

« C’est trop beau, nous n’allons pas garder cela pour nous » : le cri du cœur de Philippe Viannay, le fondateur des Glénans qui ouvre cette « histoire de la voile » est formidablement illustré quelques pages plus loin par l’affiche créée par le peintre Gildas Flahaut pour l’édition 2017 de la semaine du Golfe du Morbihan. L’image encore et toujours …. 

Prix des Mémoires de la Mer 2020 : les livres présélectionnés

Ce vendredi 12 juin, le jury Livres des Mémoires de la Mer a procédé à la sélection des livres en compétition pour le prix 2020 des Mémoires de la Mer.

Seize livres ont été retenus. Le jury délibérera au cours de l’été et le prix sera décerné officiellement fin septembre lors de la soirée annuelle des Mémoires

.Le jury n’a pas intégré dans sa sélection, conformément à ses règles du jeu,  le livre de Romain Bertrand  » Qui a fait le tour de quoi ? L’affaire Magellan », l’auteur ayant déjà été lauréat du prix des Mémoires de la Mer en 2013 pour « L’histoire à parts égales« .

A suivre : les albums de BD présélectionnés… »

Sélection-PRIX-LIVRE-2020

« Condamné à Mer » sur les chaînes bretonnes Tebeo et Tebesud

Cette semaine sur Tébéo-TébéSud, Hubert Coudurier reçoit Anne Donnelly, psychanalyste et auteure de « Condamné à mer, rêveries marines autour des origines » dans lequel elle passe en revue un certain nombre d’écrivains, d’Albert Cohen à Romain Gary et de Léo Ferré à Chantal Thomas, via leur rapport à la mère comme à la mer.

Du génie français » de Regis Debray NRF Gallimard

A priori, le dernier livre de Régis Debray n’a aucun titre à entrer dans cette rubrique dédiée aux Mémoires de la Mer. Consulté par la Société des Gens de Lettres dans le cadre de l’avis demandé à celle-ci par la présidence de la République sur le choix de l’écrivain français appelé à donner son nom au pavillon français de la prochaine Exposition Universelle, Régis Debray fait de son plaidoyer pour Victor Hugo, face au favori Stendhal, un essai sur « l’art d’être français ».

 Et réhabilite, chemin faisant, la France du large, en « rappelant qu’il y a deux arts d’être français, et que ceux qui l’auraient oublié auraient tort de négliger la chance que nous avons d’avoir deux options au menu, bocage ou grand large, fromage ou dessert ».

 Et il nous donne des raisons d’espérer : Même si « nous avons beau avoir …la deuxième zone maritime du monde après les Etats-Unis, trois grandes façades sur mer, la Corse et la rade de Brest, » et que chez nous « l’esprit de famille a pour ultime réduit et terre de salut en cas de coup dur le Massif Central ou le Puy de Dôme…  Une hérédité n’est pas une fatalité »

« Condamné à mer » d’Anne Donnelly aux Editions Zeraq

La critique du quotidien Le Télégramme (dimanche 12 janvier 2020)

Mer et mère : une navigation intime

« À ma mère qui fût un temps mon île »… C’est par cette dédicace qu’Anne Donnelly nous invite à suivre une navigation littéraire singulière, en mer, au gré des mères.

Psychanalyste et amoureuse de la mer, elle a tracé sa carte au fil des voyages iodés et amniotiques d’auteurs, tel que Chantal Thomas, Marguerite Duras, Romain Gary, Erik Orsenna… et nous mène d’« île de rochers » en « île de pages », avec des marins avertis ou navigateurs imaginaires… Sous le prisme de la mer à la mère, qui, selon l’auteure, « au-delà de la simple métaphore est un espace de réflexion, qui s’ouvre où corps et psyché jouent de leurs partitions sur des registres variés ».

Anne Donnelly mêle ses souvenirs aux extraits de livres qu’elle a aimés et dont on soulignera la pertinence du choix. On se laisse porter par ces « rêveries marines » qui font découvrir de beaux textes, nous éclairent sur tel ou tel écrivain, en imaginant ou analysant ce que l’empreinte maternelle a laissé sur leur rivage. Une navigation subtile, menée avec brio, dont on regrette seulement parfois qu’elle lève un peu trop le voile.

Corinne Abjean

« Condamné à mer. Rêveries marines autour des origines », de Anne Donnelly, aux éditions Zeraq, 16 €.

Le commentaire de Livres Hebdo

« Une réflexion sur les sentiments contradictoires suscités par la mer, entre fascination, plaisir et peur. La psychanalyste interroge particulièrement le rapport des écrivains, de Chantal Thomas à Romain Gary en passant par Léo Ferré, avec l’élément marin. Elle analyse le poids de l’empreinte maternelle sur la constitution du lien à la mer. ©Electre 2019 »

Le regard d’Alain Cabantous, historien, auteur du livre « Les Français, la Terre et la Mer »

Le livre d’Anne Donnelly ne se résume pas. Résume-t-on des rêveries, fussent-elles marines et lointaines ? La mobilisation d’une douzaine d’œuvres littéraires diverses, d’Edward St Aubin à Albert Cohen en passant par Léo Ferré, sert de soubassement à un entrelacs subtil de rebonds, de psychés, de métaphores et de symboles, bref à toute une cargaison de mots, d’impressions, d’extraits d’ouvrages, de portraits qui, comme des algues se mêlant aux cordages, viennent enrichir les réflexions professionnelles comme la pudicité des évocations biographiques. Se dessine ici une longue tension et un va-et-vient- entre les territoires de la mer, les figures de la mère et les événements fondateurs d’une vie.  Les paysages sensitifs de la naissance et le temps des origines n’entretiennent-ils pas une indispensable complicité  « sous l’effet de la grande marée du goémon noir, vomi des entrailles » ?

Hormis de courts chapitres un peu déroutants consacrés à Lacan, Duras ou Cohen où ce qui importe alors concerne les affects, parfois insupportables, ressentis dans l’enfance ou ceux tout aussi douloureux d’une rupture définitive, comme si Anne Donnelly écrivait par procuration, les autres développements, à l’instar d’autant d’escales, s’amarrent à la fois à une analyse subtile de l’œuvre choisie et à l’épisode d’une réminiscence personnelle, marqué ici ou là par des choix décisifs pour que la  vie même puisse se poursuivre.

Ces changements de ton permettent d’éviter toute démarche systématique, tout lien programmé entre les extraits choisis et les bribes d’histoire livrée, ravivées non seulement par la lecture mais encore par les effluves d’hier, les navigations hasardeuses, les décors estivaux ou insulaires. Ici, l’île berceau, c’est Bréhat. Elle devient sinon le monde du moins un monde indispensable, l’ancrage nécessaire pour une mère et sa fille qui lui confiera : « c’est pour toi que ce livre s’écrit ». Pourtant, aujourd’hui, Bréhat est devenue comme une épave fidèle qui ne retient, par le verbe, que ceux du clan qui s’en sont éloignés pour d’autres lieux, toujours insulaires et toujours marins.

Ce bref et inclassable récit nous dit d’abord que ceux qui n’aiment pas la mer sont des malchanceux, des égarés peut-être. Plus encore, il nous révèle que l’amour de la mer, où que l’on soit, s’inscrit dans la vie de chacun à force de la regarder nous observer, de la respirer pour vivre, d’en percevoir et d’en extraire les odeurs fortes qui enivrent jusqu’au voyage et font un temps oublier la mort. La mer comme on aime, « comme on M. La treizième lettre de l’alphabet ». Avec un M comme mère.

Le commentaire d’Yves Gaubert dans la lettre des amis du Musée Maritime de La Rochelle (Hiver 2019/2020)

 « Condamné à mer, rêveries marines autour des origines», c’est l’essai que vient de publier Anne Donnelly, psychanalyste, aux Éditions Zeraq. À partir de textes d’auteurs qu’elle aime, elle analyse le rapport entre deux réalités, la mer et la mère. La mer, origine de toute vie sur la terre, est souvent la métaphore de la mère qui porte son enfant neuf mois dans le liquide amniotique.

Les citations de Michel Le Bris, Simon Leys, Chantal Thomas, Marguerite Duras, Jean Noli, William Finnegan, Romain Gary, Albert Cohen, Léo Ferré, Erik Orsenna ponctuent ces évocations. Ces écrivains nourrissent le propre amour de la mer de l’auteure qui rapproche les situations décrites dans les textes avec ses propres expériences de la mer. Elle tente de comprendre leur démarche dans le rapport qu’ils ont à leur mère.

Un livre très sensible qui donne envie de lire ou relire les textes évoqués et qui montrent à quel point la relation mer/mère est féconde en termes de créativité.

Le commentaire de l’association littéraire corse Musa Nostra

« Condamné à la mer » , d’Anne Donnelly, est un essai publié en 2020 aux éditions Zeraq, sous titré « Rêveries marines autour des origines » avec une préface d’Eric Orsenna.

Psychanalyste, l’auteure s’est interrogée sur les liens entretenus dans l’esprit des écrivains entre le milieu marin et la littérature, sur les liens à la mer et à la mère, à son absence, à son amour…Des textes forts ponctuent cette réflexion riche et pertinente , ceux de Jacques Lacan, d’Albert Cohen, de Romain Gary, Marguerite Duras, Leo Ferré, Eric Orsenna pour n’en citer que les principaux.

Dense, cet ouvrage fin et léger en apparence, est un voyage en mer et en mère passionnant qui saura combler les amoureux des Lettres, les voyageurs et ceux qui s’interrogent sur la passion de la mer.