« Condamné à mer » d’Anne Donnelly aux Editions Zeraq

La critique du quotidien Le Télégramme (dimanche 12 janvier 2020)

Mer et mère : une navigation intime

« À ma mère qui fût un temps mon île »… C’est par cette dédicace qu’Anne Donnelly nous invite à suivre une navigation littéraire singulière, en mer, au gré des mères.

Psychanalyste et amoureuse de la mer, elle a tracé sa carte au fil des voyages iodés et amniotiques d’auteurs, tel que Chantal Thomas, Marguerite Duras, Romain Gary, Erik Orsenna… et nous mène d’« île de rochers » en « île de pages », avec des marins avertis ou navigateurs imaginaires… Sous le prisme de la mer à la mère, qui, selon l’auteure, « au-delà de la simple métaphore est un espace de réflexion, qui s’ouvre où corps et psyché jouent de leurs partitions sur des registres variés ».

Anne Donnelly mêle ses souvenirs aux extraits de livres qu’elle a aimés et dont on soulignera la pertinence du choix. On se laisse porter par ces « rêveries marines » qui font découvrir de beaux textes, nous éclairent sur tel ou tel écrivain, en imaginant ou analysant ce que l’empreinte maternelle a laissé sur leur rivage. Une navigation subtile, menée avec brio, dont on regrette seulement parfois qu’elle lève un peu trop le voile.

Corinne Abjean

« Condamné à mer. Rêveries marines autour des origines », de Anne Donnelly, aux éditions Zeraq, 16 €.

Le commentaire de Livres Hebdo

« Une réflexion sur les sentiments contradictoires suscités par la mer, entre fascination, plaisir et peur. La psychanalyste interroge particulièrement le rapport des écrivains, de Chantal Thomas à Romain Gary en passant par Léo Ferré, avec l’élément marin. Elle analyse le poids de l’empreinte maternelle sur la constitution du lien à la mer. ©Electre 2019 »

Le regard d’Alain Cabantous, historien, auteur du livre « Les Français, la Terre et la Mer »

Le livre d’Anne Donnelly ne se résume pas. Résume-t-on des rêveries, fussent-elles marines et lointaines ? La mobilisation d’une douzaine d’œuvres littéraires diverses, d’Edward St Aubin à Albert Cohen en passant par Léo Ferré, sert de soubassement à un entrelacs subtil de rebonds, de psychés, de métaphores et de symboles, bref à toute une cargaison de mots, d’impressions, d’extraits d’ouvrages, de portraits qui, comme des algues se mêlant aux cordages, viennent enrichir les réflexions professionnelles comme la pudicité des évocations biographiques. Se dessine ici une longue tension et un va-et-vient- entre les territoires de la mer, les figures de la mère et les événements fondateurs d’une vie.  Les paysages sensitifs de la naissance et le temps des origines n’entretiennent-ils pas une indispensable complicité  « sous l’effet de la grande marée du goémon noir, vomi des entrailles » ?

Hormis de courts chapitres un peu déroutants consacrés à Lacan, Duras ou Cohen où ce qui importe alors concerne les affects, parfois insupportables, ressentis dans l’enfance ou ceux tout aussi douloureux d’une rupture définitive, comme si Anne Donnelly écrivait par procuration, les autres développements, à l’instar d’autant d’escales, s’amarrent à la fois à une analyse subtile de l’œuvre choisie et à l’épisode d’une réminiscence personnelle, marqué ici ou là par des choix décisifs pour que la  vie même puisse se poursuivre.

Ces changements de ton permettent d’éviter toute démarche systématique, tout lien programmé entre les extraits choisis et les bribes d’histoire livrée, ravivées non seulement par la lecture mais encore par les effluves d’hier, les navigations hasardeuses, les décors estivaux ou insulaires. Ici, l’île berceau, c’est Bréhat. Elle devient sinon le monde du moins un monde indispensable, l’ancrage nécessaire pour une mère et sa fille qui lui confiera : « c’est pour toi que ce livre s’écrit ». Pourtant, aujourd’hui, Bréhat est devenue comme une épave fidèle qui ne retient, par le verbe, que ceux du clan qui s’en sont éloignés pour d’autres lieux, toujours insulaires et toujours marins.

Ce bref et inclassable récit nous dit d’abord que ceux qui n’aiment pas la mer sont des malchanceux, des égarés peut-être. Plus encore, il nous révèle que l’amour de la mer, où que l’on soit, s’inscrit dans la vie de chacun à force de la regarder nous observer, de la respirer pour vivre, d’en percevoir et d’en extraire les odeurs fortes qui enivrent jusqu’au voyage et font un temps oublier la mort. La mer comme on aime, « comme on M. La treizième lettre de l’alphabet ». Avec un M comme mère.

Le commentaire d’Yves Gaubert dans la lettre des amis du Musée Maritime de La Rochelle (Hiver 2019/2020)

 « Condamné à mer, rêveries marines autour des origines», c’est l’essai que vient de publier Anne Donnelly, psychanalyste, aux Éditions Zeraq. À partir de textes d’auteurs qu’elle aime, elle analyse le rapport entre deux réalités, la mer et la mère. La mer, origine de toute vie sur la terre, est souvent la métaphore de la mère qui porte son enfant neuf mois dans le liquide amniotique.

Les citations de Michel Le Bris, Simon Leys, Chantal Thomas, Marguerite Duras, Jean Noli, William Finnegan, Romain Gary, Albert Cohen, Léo Ferré, Erik Orsenna ponctuent ces évocations. Ces écrivains nourrissent le propre amour de la mer de l’auteure qui rapproche les situations décrites dans les textes avec ses propres expériences de la mer. Elle tente de comprendre leur démarche dans le rapport qu’ils ont à leur mère.

Un livre très sensible qui donne envie de lire ou relire les textes évoqués et qui montrent à quel point la relation mer/mère est féconde en termes de créativité.

Le commentaire de l’association littéraire corse Musa Nostra

« Condamné à la mer » , d’Anne Donnelly, est un essai publié en 2020 aux éditions Zeraq, sous titré « Rêveries marines autour des origines » avec une préface d’Eric Orsenna.

Psychanalyste, l’auteure s’est interrogée sur les liens entretenus dans l’esprit des écrivains entre le milieu marin et la littérature, sur les liens à la mer et à la mère, à son absence, à son amour…Des textes forts ponctuent cette réflexion riche et pertinente , ceux de Jacques Lacan, d’Albert Cohen, de Romain Gary, Marguerite Duras, Leo Ferré, Eric Orsenna pour n’en citer que les principaux.

Dense, cet ouvrage fin et léger en apparence, est un voyage en mer et en mère passionnant qui saura combler les amoureux des Lettres, les voyageurs et ceux qui s’interrogent sur la passion de la mer.

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