Du 31 mai au 2 Juin 2024 à Rochefort et sur l’île d’Aix en Charente Maritime : 4ème édition du Festival des Mémoires de la Mer !

A retenir dès maintenant sur vos agendas : du 31 mai au 2 Juin 2024, 4ème édition du Festival des Mémoires de la Mer.

Une édition dédiée aux Profondeurs, ancrée sur Rochefort et aussi, pour la 1 ère fois, sur l’île d’Aix.

Pour sa 4 ème édition, le Festival des Mémoires de la Mer a choisi d’explorer un monde
à part, le monde sous la mer, de la surface jusqu’aux abysses.

Avec ses héros du quotidien – sous-mariniers, scaphandriers professionnels… – avec
les aventuriers des plongées profondes et les fondus de l’image sous-marine ;

Avec les professionnels, les militants, les scientifiques, les industriels, les militaires
confrontés aux enjeux, aux défis et aux menaces du monde sous-marin d’aujourd’hui ;

Avec les artistes, les écrivains, les cinéastes qui ont, hier comme aujourd’hui, puisé
leur inspiration dans l’univers des profondeurs.

Au programme du Festival

L’émerveillement avec une sélection des plus beaux films sur le monde sous-marin
et les richesses de la vie animale et végétale.

La réflexion et le débat sur les enjeux, les défis et les menaces liés à l’occupation
humaine du monde sous-marin et des profondeurs.

La plongée dans l’imaginaire des profondeurs de Jules Verne à James Cameron,
du roman aux jeux vidéo, aux mangas et à la création musicale.

L’agenda

  • Vendredi 31 mai et Samedi 1 er juin dans tout Rochefort, une multitude
    d’évènements : débats, ateliers, conférences, projections, dédicaces, spectacle musical…
  • Dimanche 2 juin sur l’Ile d’Aix : mise en scène en images de la vie sous-
    marine dans les pertuis charentais.

Contact festival : p.pelisson@corderie-royale.com

Salut à Louis Le Pensec !

C’était un temps déraisonnable. La Mer avait un Ministre avec une sacrée
gueule et de vraies convictions forgées par l’expérience et le travail collectif.

C’était un temps déraisonnable : le politique avait retrouvé en France le
chemin de l’océan.

Avec ses avancées : l’avènement de l’Europe bleue grâce à un
accord historique avec les Anglais ; la conclusion d’un Traité mondial sur le
droit de la Mer ; la reconnaissance de la recherche océanographique ; les
prémices de la loi littoral ; la sauvegarde du patrimoine maritime et le
lancement des grands équipements culturels maritimes.

Avec ses ressacs : la restructuration engagée de notre industrie navale et de notre flotte de commerce, et celle retardée de notre économie portuaire.

C’était un temps déraisonnable. La Mer avait, dans l’Etat, une unité et un
visage.

Ce visage là, nous ne l’oublierons pas !

Benedict Donnelly

Echos musicaux de l’ouverture du Musée de la Marine

Le 18 novembre dernier, la Compagnie Baroque de Michel Verschaeve ouvrait en musique le « nouveau » Musée de la Marine en interprétant au milieu du public devant les tableaux de la série des ports de France de Joseph Vernet des morceaux choisis de musique baroque, spécialement sélectionnés par Michel Verschaeve :

En ouverture, un extrait de la Water Music de Haendel jouée en 1717 dans une barque descendant la Tamise ! Une interprétation qui impliquait une transcription spéciale pour passer de 50 musiciens à 3 !

La Matelote de Marin Marais qui fut un des premiers compositeurs à proposer (dans son opéra Alcione) une véritable Tempête mise en musique et en situation ;

La Follia (ou Folie d’Espagne) de Vivaldi ;

La marche des Matelots extraite d’Alcione de Marin Marais.

Le trio de la Compagnie Baroque était composé de Jérôme Treille, Sabine Dupret et Valérie Boutin

« Naviguer sur les sentiers du vent » d’Olivier Le Carrer


Eloge de l’incertitude en milieu marin.

Incertitude

Le mot revient sans cesse, comme une valeur refuge, sous la plume d’Olivier Le Carrer dans son dernier livre « Naviguer sur les sentiers du vent », dès l’introduction titrée « Le goût de l’incertitude » jusqu’à sa conclusion :

« Naviguer à la voile, c’est se mettre dans une position devenue rare à terre : renoncer à vouloir que tout se conforme à ses besoins pour goûter le plaisir de s’adapter soi-même. Faire ses propres choix sans se laisser dicter sa route par un logiciel et accepter en même temps que cela ne marchera peut-être pas comme prévu. Apprivoiser en somme l’art de composer avec l’incertitude, sans doute le meilleur des vaccins contre cette crise de la sensibilité qui anesthésie nos sociétés. »

Une crise qui n’épargne pas le monde de la voile. Olivier Le Carrer le sait mieux que quiconque, lui qui a essayé durant 40 ans plus de 3000 bateaux pour éclairer les lecteurs de la revue Bateaux.

Cette crise de la sensibilité, l’auteur l’a ressentie très tôt : « Un jour, au milieu des années 1990, en arrivant à la voile dans un lagon (polynésien), je me souviens m’être dit pour la première fois que ça devenait n’importe quoi. »

L’auteur est pourtant économe des coups de gueule mais là trop, c‘est trop ! Au milieu d’un paysage sublime, « beau à pleurer », il est le seul de l’équipage à profiter d’un spectacle somptueux.

« L’entrée du lagon était un peu sinueuse mais franche et à vingt mètres de part et d’autre du bateau les vagues brisaient sur le corail, délimitant aussi sûrement les contours du récif que s’il avait été dessiné sur l’eau… Il s’agissait donc d’une manœuvre très facile à mener et, en même temps bouleversante ; d’un instant à l’autre, sitôt à l’abri, la houle s’évanouit comme par enchantement, il y a plus de 2000 mètres de profondeur juste derrière le bateau, à peine quelques centimètres d’eau sur le corail à droite et à gauche. »

Ce moment magique échappera à tous les autres membres de l’équipage, « agglutinés autour de la table à cartes, à l’intérieur de la cabine regardant le petit voyant numérique se déplacer sur l’écran du GPS et commentant la position du voilier : « c’est bon, là on est juste au milieu », ou « ça tourne un peu, il faudrait peut-être appuyer sur tribord. »

Comment répondre au « défi de la modernité » en préservant l’authenticité de la pratique de la voile et son rapport privilégié à la nature et aux éléments s’interroge Olivier Le Carrer. Une question qui concerne tous les navigateurs, des professionnels de la course au large aux navigateurs par plaisir.

Pour les premiers, les possibilités ouvertes par les évolutions technologiques récentes donnent le vertige.

Pour les courses en solitaire par exemple :

« les outils numériques sont maintenant capables d’autoriser des interventions sur le bateau depuis l’extérieur. Par exemple faire assurer la veille par une personne assise bien au chaud dans un bureau pendant que le coureur se repose, réparer à distance une défaillance automatique ou même prendre la main sur le pilote automatique pour modifier le cap sans être à bord… Perspectives vertigineuses qui méritent sans doute une vraie réflexion tant qu’il est encore temps. »

Pour les plaisanciers, qu’ils soient côtiers ou tourdumondistes, les choses sont plus simples. Car l’auteur nous rappelle cette évidence un peu oubliée, chacun peut exercer son libre arbitre « se noyer dans le numérique, vivre avec les nuages ou s’intéresser un peu à l’un et beaucoup aux autres. Il n’y a pas de fatalité au téléguidage numérique. On peut prendre les bons côtés de la modernité sans se déconnecter de la terre et du ciel. »

Le livre d’Olivier Le Carrer n’est pas un réquisitoire contre la technologie. C’est un appel à un autre savoir, celui de l’observation et de la compréhension des vagues et des vents, du soleil et de la lune, des nuages et des étoiles, des oiseaux et des animaux marins. Ce savoir qui était celui des navigateurs polynésiens qui ont tant fasciné l’explorateur britannique James Cook par leur formidable maîtrise de la navigation au cœur du Pacifique, sans instrument et avec des pirogues à balancier bien peu adaptées à la haute mer.

Son éloge de l’incertitude est un éloge de la connaissance au sens où l’entendait Frédéric Nietzsche dans le Gai Savoir : « Rester au sein de toute l’incertitude, de toute la pluralité merveilleuse de l’existence ».

L’auteur ne se berce pourtant pas d’illusions sur l’écho de son appel à retrouver la part du rêve, à se glisser dans la peau des grands voyageurs d’autrefois, à savoir lire comme eux le ciel et la mer : « l’humain augmenté promis par les oracles ressemble plutôt pour l’heure à un individu diminué dont l’efficacité reste dépendante de ses prothèses électroniques. »

Il relève pourtant quelques motifs d’espoir : le retour aux fondamentaux avec de nouvelles courses au large sans assistance électronique ; la fascination d’aventures hors du commun comme celle des frères Berque, ces jumeaux landais qui réussirent, il y a 20 ans, une traversée de l’Atlantique sans l’aide de carte ni d’aucun instrument (pas même une boussole ni une montre) à bord d’un voilier léger à balancier de 6, 50 mètres de long, construit par eux dans leur maison des Landes ; l’impact de pratiques plus minimalistes, permettant un contact plus direct avec les éléments, comme le kayak et surtout le surf.

Olivier Le Carrer, le « voileux » de toujours, est tombé sur le tard dans la marmite du surf !
« Les premières tentatives de rejoindre le large en ramant sont de nature à secouer – dans tous les sens du terme – le néophyte, quand il faut plonger sous la vague… pour éviter d’être balayé par la crête. Voir cette énorme masse passer à toute vitesse au-dessus de soi, sentir cette puissante pulsion sous-marine qui résonne jusqu’au fond sont des choses qui ne s’oublient pas. Et puis on apprend à lire la vague, à profiter de sa douceur en évitant ses penchants violents. Et on finit par se sentir très bien là. On finit aussi par regarder autrement la mer. »

Regarder autrement la mer : c’est un sacré défi auquel nous invite Olivier Le Carrer dans cette ballade sensuelle nourrie par les mémoires et les savoirs des marins d’hier et d’aujourd’hui.

Benedict Donnelly

Palmarès des Mémoires de la Mer 2023

Un polar norvégien, la Patagonie en noir et blanc, une traversée de l’Atlantique peu banale… au palmarès des Mémoires de la Mer 2023 !

La 4e édition du Festival des Mémoires de la Mer dédiée aux Profondeurs aura lieu du 31 mai au 2 juin 2024 à Rochefort et à l’Ile d’Aix

Au palmarès des Mémoires de la Mer 2023, remis lundi 4 décembre au Musée National de la Marine, au Palais de Chaillot à Paris, trois créations singulières :

  • Prix du livre : Le Cimetière de la mer de l’écrivain norvégien, Marseillais d’adoption, Aslak Nore aux Editions Le Bruit du monde. Un polar norvégien autour d’une catastrophe maritime durant la Seconde Guerre mondiale.
  • Prix de la BD : l’album Une vie de gabier à bord de L’Hermione de Guillaume Tauran, aux Éditions Paquet. Un récit initiatique de la traversée « historique » de l’Atlantique en 2015 de la réplique de L’Hermione vers les Etats-Unis d’Amérique.
  • Prix du film : Austral de Benjamin Colaux (Stenola Production, Belgique, 2022). Un documentaire belge en noir et blanc sur la vie et le travail de trois marins pêcheurs dans le froid et les tempêtes des mers australes à l’extrême sud du Chili.
  • Une Mention spéciale du jury à la série documentaire L’incroyable périple de Magellan de François de Riberolles (Camera Lucida Productions, 2022).

A l’issue de la soirée de remise des prix, les partenaires des Mémoires de la Mer (le Centre International de la Mer La Corderie Royale, le Musée National de la Marine, l’association Hermione-La Fayette, l’association du Festival des Mémoires de la Mer) ont annoncé la tenue à Rochefort et sur l’Ile d’Aix, du 31 mai au 2 juin 2024, de la 4e édition du Festival des Mémoires de la Mer, une édition dédiée aux Profondeurs, avec le soutien du Parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis et de l’Office français de la biodiversité.

Dossier de presse et photos de la remise des prix disponibles sur demande.

Contact presse : 05 46 87 88 80 – servicecom@corderie-royale.com

Centre International de la Mer-La Corderie Royale – BP 50108 – 17303 Rochefort cedex www.corderie-royale.com

Musée National de la Marine : le regard d’Alain Cabantous

L’historien Alain Cabantous a présidé en 2015 le comité scientifique chargé de définir un projet pour la rénovation du Musée. Il nous livre ici en exclusivité ses impressions après la découverte du « nouveau » Musée.

UN MUSEE DE LA …

Pour qui a connu l’ancien, la découverte du nouveau musée sur la colline de Chaillot ne peut manquer de provoquer un choc salutaire. D’entrée, le visiteur est frappé par la prouesse architecturale et son soutien scénographique souvent inventif. En dépit des contraintes multiples (le bâtiment lui-même, les aléas de la Covid, les freins administratifs), ce qui a été réalisé entre 2015 et 2023, sous la houlette attentive et inlassable de Vincent Campredon et de ses remarquables équipes, mérite un grand coup de chapeau. La fluidité qui se dégage des structures, la rénovation de la voûte et de la verrière, les mezzanines qui coupent heureusement le grand espace en courbe comme autant de nouveaux volumes suspendus, l’auditorium, la haute vague de dix mètres, le pont roulant, l’étrave grandeur nature à l’intérieur de laquelle est projeté un film maritime (assez improbable) comme l’oculus lumineux mettant en valeur les superbes sculptures de la Réale, tout cela participe de ce que l’œil saisit à la fois d’un coup et peu à peu.

Parmi près d’un millier d’objets présentés (sur les 60 000 des réserves !), les deux tiers étaient déjà exposés précédemment mais ont bénéficié d’une restauration remarquable à l’exemple du Royal Louis. Parmi les nouveaux venus comme prêts, figurent plusieurs tableaux qui ne sont pas de simples illustrations mais bien des éléments explicatifs complémentaires et précieux dus à des artistes du XIXe siècle surtout et souvent peu connus du grand public. Ravanne, Couturier et Desmarets sont de ceux-là. Citons de ce dernier Le vœu et le très réaliste et instructif triptyque A la mer qui enrichissent encore le traitement très réussi des dangers permanents de l’océan. D’une manière générale, la combinaison entre les différents objets et les films qui accompagnent les présentations permet au visiteur d’avoir en outre une connaissance très dynamique d’un thème. Autant d’éléments très positifs et novateurs qu’il convient de souligner fortement.

La présentation muséale actuelle se structure selon deux catégories : trois galeries ou « traversées » (En passant par Le Havre, Tempêtes et naufrages et au sous-sol La France, puissance navale) ; quatre escales (Construire et instruire, Se repérer en mer, Représenter le pouvoir, Peindre pour le roi). Au regard de ce que le Comité scientifique, constitué à la demande de Jean-Yves Le Drian, avait proposé dans son rapport de 2015, il y a plus qu’un écart.

Rappelons ici les grandes recommandations qui avaient été formulées autour d’une idée centrale : quelles relations la France et les Français ont entretenu et entretiennent avec la mer ? Pour y répondre, nous suggérions comme préalable d’établir des repères historiques et géographiques (de la frise chronologique à la géopolitique) qui présentement font cruellement défaut, puis de présenter les objets autour de trois grands axes :

– L’univers maritime proprement dit (ressources, conflits, routes, rythmes, peurs)

– La mer et les cultures (artistiques, patrimoniales, ludiques, scientifiques)

– La mer et les territoires (usages de l’estran, désirs de mer, les cités portuaires, la fabrique des gens de mer)

Pourtant les réserves que je peux formuler ne traduisent pas une quelconque frustration au regard du travail collectif mené en 2015 mais concernent la présentation pédagogique que le musée nous offre aujourd’hui en fonction de ses choix. Trois traversées et quatre escales donc. La visite commence par une escale (Construire et instruire) alors que la navigation n’a pas encore commencé. C’est un peu fâcheux. Et pourquoi ce premier thème ? La justification n’est pas très évidente d’autant que l’on passe sans transition à la première traversée autour du Havre. L’élection de ce port permet effectivement de souligner la diversité économique qui anime, hier comme aujourd’hui, ces flux liés au grand commerce international (du trafic négrier aux containeurs). Mais elle laisse largement de côté la question de l’hinterland et donc celle de l’influence de la mer sur l’ensemble du territoire. Se demander clairement ici « où s’arrête la mer ? » aurait peut-être permis d’interpeler le visiteur.

Le choix de l’ambitieuse deuxième escale (Se repérer en mer… de l’Antiquité au XXe siècle !) se comprend mieux puisque possiblement articulée à la deuxième « traversée » particulièrement réussie, répétons-le, même si le sauvetage en mer eut mérité un traitement plus vigoureux. De la même façon, et en raison de ces options, le sort réservé aux activités du monde de pêche comme à celui de la plaisance souffre d’un déficit sensible et, à mon sens, d’un placement muséal un peu hasardeux.

Il convient aussi de remarquer que trois des quatre escales tournent quand même autour de la question du rapport de la marine de guerre, plutôt que de la mer, avec le pouvoir d’Etat ; ce qu’illustre avec force la troisième traversée qui conforte le poids extrêmement important de la Royale dans la nouvelle présentation, un peu comme dans l’ancienne d’ailleurs. On peut simultanément se demander si les superbes tableaux de Vernet, certes commandés par Louis XV, n’auraient pas pu fournir l’occasion d’une réflexion sur les types de ports possibles (échouage, ports de pêche ou de commerce, rapport de la mer à la ville et au reste de la société) plutôt que d’être avant tout offerts à travers leur magnifique esthétique.

Pour avoir échangé avec l’une des responsables du musée, la possibilité de modifier telle ou telle présentation, de la rendre plus lisible est parfaitement envisageable puisque « rien n’est figé ». De même les expositions temporaires et les activités scientifiques qui vont animer Chaillot seront autant d’opportunités pour approfondir tel ou tel aspect et, tout en gardant le cap, infléchir le sillage vers d’autres eaux. De manière à orienter un peu autrement ce qui est pour les uns « un musée de l’avenir », pour d’autres « un musée qui rend hommage à la France » (Emmanuel Macron discours du 27 novembre 2023) mais qui reste, me semble-t-il, d’abord et toujours (?) un musée de la…Marine.

Alain Cabantous (29/XI/2023)

Musée National de la Marine : merci l’Hermione !

Après 7 ans de travaux, le Musée National de la Marine implanté au Palais de Chaillot à Paris face à la Tour Eiffel réouvre ses portes à la mi-novembre 2023.

Cette rénovation tant attendue n’est pas tombée du ciel !

Bien peu le savent : le lancement du projet de Chaillot doit beaucoup à…. l’Hermione !

C’est au début 2013 que tout commence à l’occasion d’une rencontre entre le Ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian avec Erik Orsenna et Benedict Donnelly, les pilotes de l’aventure Hermione sur la préparation du voyage américain de l’Hermione prévu en 2015. 

Ces derniers sensibilisent le Ministre sur le vieillissement du Musée de Chaillot et la nécessité d’une réflexion plus large du Ministère de la Défense, au delà de son accompagnement du voyage de l’Hermione, sur ses interventions sur le patrimoine maritime, à commencer par le Musée National de la Marine, seul Musée de Chaillot à n’avoir pas fait l’objet de travaux de rénovation.

Jean-Yves Le Drian leur demande de lui faire une proposition d’intervention, ce qui fut fait rapidement et, après plusieurs aller-retours avec les équipes du Ministère de la Défense, en avril 2013 : le Ministre de la Défense confie officiellement à Benedict Donnelly et Erik Orsenna une mission de réflexion.

Erik Orsenna, alors président de la Corderie Royale de Rochefort, demande à Emmanuel de Fontainieu, directeur de la Corderie, de l’assister.

La mission est effectuée à titre bénévole. Elle se conclut par la remise officielle en octobre 2014 du rapport Donnelly/Orsenna au Ministre de la Défense qui confirme solennellement, le 15 octobre au Musée de la Marine, l’engagement de l’Etat sur la rénovation de Chaillot.

Benedict Donnelly résumait ainsi ainsi ce jour là les conclusions du rapport : 

« Merci, M. le Ministre, de nous avoir proposé d’apporter sur l’avenir du Musée National de la Marine notre regard d’acteurs engagés dans l’action culturelle maritime.

Nous avons réalisé cette mission avec passion et, je tiens à le souligner, de manière désintéressée, dans le prolongement de notre engagement associatif.

Nous avons travaillé sous l’égide d’un comité de pilotage ad hoc au sein du Ministère de  la Défense.

Nous avons privilégié une approche par interviews d’acteurs – plus d’une vingtaine au total –directement concernés par le devenir du Musée National de la Marine- aussi bien à Paris que sur le littoral.

Nous avons associé à cette démarche la nouvelle génération d’acteurs et de lieux muséographiques qui, à côté du Musée National de la Marine, font aujourd’hui partie intégrante du paysage culturel maritime français.

Nous avons cherché, dans la limite des moyens de notre mission, à nous donner des repères en allant observer sur le terrain des musées maritimes nationaux d’autres pays européens.

Nous avons retiré de ces échanges, de ces rencontres 5 convictions fortes, partagées par la quasi-totalité de nos interlocuteurs :

1ère conviction : la France a plus que jamais besoin aujourd’hui d’un grand musée maritime national !

Pour « mobiliser, selon la belle expression d’un de nos interlocuteurs, le passé au service de l’avenir » face à des enjeux, de souveraineté, de sécurité, de développement,  cruciaux pour notre pays.

Pour mener aussi une bataille proprement culturelle : celle de l’ouverture des français et notamment des jeunes, sur le large, donc sur le monde.

2ème conviction: le musée de Chaillot doit se transformer profondément pour porter cette ambition ;

Le musée actuel cumule deux handicaps :

Un déficit de sens, relevé par tous nos interlocuteurs.

 Déficit qui tient :

A l’imprécision de la mission actuelle du Musée qui ambitionne d’être à la fois un musée technique et un musée d’histoire mais où dans les faits, l’approche artistique des collections prévaut alors que la mise en perspective historique fait très largement défaut.

Au décalage entre l’obligation, imposée par les textes au Musée, de s’intéresser à toutes les marines  – de guerre, de commerce, de pêche, de plaisance –  et la réalité de ses collections ;

– A une scénographie captive des collections qui concernent surtout une période de l’Histoire maritime, les 17ème et 18ème siècles, avec des modèles et maquettes fréquemment conservés en plusieurs exemplaires identiques.

Ce qui conduit aussi, parallèlement, à considérer les établissements littoraux du Musée de la Marine comme des annexes du site de Chaillot au détriment de leur vocation propre.

A ce déficit de sens s’ajoute un autre handicap : l’obsolescence de l’équipement muséal de Chaillot et de ses espaces d’accueil.

Obsolescence qui explique pour partie les difficultés du Musée à accroître sa fréquentation, et  à développer une politique de partenariats avec les principaux acteurs de la communauté maritime.

3ème conviction : il faut concentrer les efforts et les moyens sur Paris et plus précisément sur le site de Chaillot

– Sur Paris, compte tenu de l’ambition nationale revendiquée ;

– Sur Chaillot, qui est un lieu emblématique pour toute la communauté maritime française.

Un site dont la proximité avec la Seine, jusqu’ici inexploitée pourrait être dans l’avenir davantage mise à profit : par exemple par l’accueil d’un navire de patrimoine au pied de la Tour Eiffel.

L’importance des travaux de rénovation de Chaillot, ajoutés aux investissements nécessaires à la remise à plat de la programmation et de la scénographie du Musée, implique d’obtenir  du Ministère de la Défense une dotation financière exceptionnelle. Elle implique aussi, dans le contexte budgétaire actuel, une concentration des investissements du Musée sur le site de Chaillot.

4ème conviction : il faut repenser les relations entre le Musée National de la Marine et les acteurs culturels maritimes présents sur le littoral.

Le paysage muséographique maritime s’est profondément transformé depuis une vingtaine d’années.

Des acteurs nouveaux ont émergé et développé des projets cohérents avec l’histoire maritime locale, des projets ambitieux soutenus par les collectivités locales et qui sont su trouver leur public.

C’est vrai à , à Dunkerque, à Boulogne, à Cherbourg, à Lorient, à Saint Nazaire, à La Rochelle, à Saint Tropez, et bien sûr… à Rochefort. Et d’autres réalisations sont à venir : à Fécamp, au Havre, à Bordeaux, à Saint Malo…

Le Musée National de la Marine a un vrai rôle à jouer dans l’animation de ce réseau où son intervention est souhaitée par tous. Une intervention respectueuse des identités et des projets locaux, sous forme d’aide à l’élaboration de projets, de coproduction d’expositions et de manifestations, de journées d’échange, de prêts et de dépôts d’objets.

Dans le cadre de cette approche, il nous semble nécessaire de réexaminer la situation des établissements littoraux du Musée de la Marine.

Le développement du rôle du Musée comme tête de réseau n’implique plus obligatoirement l’intégration dans une même structure administrative du Musée de Paris et des ses établissements littoraux.

Et ce d’autant moins là où se sont développées, dans les villes concernées, en dehors du Musée de la Marine, des dynamiques culturelles maritimes fortes.

A l’heure de la décentralisation, cette remise à plat, à notre sens, s’impose. Elle doit pouvoir prendre une forme adaptée à la spécificité de chaque site.

5ème conviction : il est impératif de construire une vraie stratégie de partenariats.

C’est un enjeu crucial pour sécuriser l’avenir du Musée.

Cette stratégie doit prendre appui sur la dynamique du nouveau projet culturel du Musée et s’orienter dans trois directions :

– L’ouverture aux grands acteurs économiques du monde maritime,

– L’ouverture à d’autres acteurs publics : la ville de Paris bien sûr dont certains projets, comme Paris Plage auraient tout à gagner à s’enrichir d’une ouverture culturelle vers le fleuve et au-delà vers la mer ; le groupement des ports  autonomes de Paris, Rouen et Le Havre; les grands acteurs du monde universitaire et scolaire.

– L’ouverture enfin à des partenariats privés pour le développement de services commerciaux du Musée.

Voilà, Monsieur le Ministre, les convictions que nous nous sommes forgées au cours  de notre périple  et au gré de rencontres toutes stimulantes avec des hommes et des femmes passionnés qui, comme nous, attendent aujourd’hui beaucoup de vous ! »

Benedict Donnelly

Ci-dessous les liens pour avoir accès au discours du Ministre de la Défense et au texte intégral du Rapport Donnelly/Orsenna.