Musée National de la Marine : merci l’Hermione !

Après 7 ans de travaux, le Musée National de la Marine implanté au Palais de Chaillot à Paris face à la Tour Eiffel réouvre ses portes à la mi-novembre 2023.

Cette rénovation tant attendue n’est pas tombée du ciel !

Bien peu le savent : le lancement du projet de Chaillot doit beaucoup à…. l’Hermione !

C’est au début 2013 que tout commence à l’occasion d’une rencontre entre le Ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian avec Erik Orsenna et Benedict Donnelly, les pilotes de l’aventure Hermione sur la préparation du voyage américain de l’Hermione prévu en 2015. 

Ces derniers sensibilisent le Ministre sur le vieillissement du Musée de Chaillot et la nécessité d’une réflexion plus large du Ministère de la Défense, au delà de son accompagnement du voyage de l’Hermione, sur ses interventions sur le patrimoine maritime, à commencer par le Musée National de la Marine, seul Musée de Chaillot à n’avoir pas fait l’objet de travaux de rénovation.

Jean-Yves Le Drian leur demande de lui faire une proposition d’intervention, ce qui fut fait rapidement et, après plusieurs aller-retours avec les équipes du Ministère de la Défense, en avril 2013 : le Ministre de la Défense confie officiellement à Benedict Donnelly et Erik Orsenna une mission de réflexion.

Erik Orsenna, alors président de la Corderie Royale de Rochefort, demande à Emmanuel de Fontainieu, directeur de la Corderie, de l’assister.

La mission est effectuée à titre bénévole. Elle se conclut par la remise officielle en octobre 2014 du rapport Donnelly/Orsenna au Ministre de la Défense qui confirme solennellement, le 15 octobre au Musée de la Marine, l’engagement de l’Etat sur la rénovation de Chaillot.

Benedict Donnelly résumait ainsi ainsi ce jour là les conclusions du rapport : 

« Merci, M. le Ministre, de nous avoir proposé d’apporter sur l’avenir du Musée National de la Marine notre regard d’acteurs engagés dans l’action culturelle maritime.

Nous avons réalisé cette mission avec passion et, je tiens à le souligner, de manière désintéressée, dans le prolongement de notre engagement associatif.

Nous avons travaillé sous l’égide d’un comité de pilotage ad hoc au sein du Ministère de  la Défense.

Nous avons privilégié une approche par interviews d’acteurs – plus d’une vingtaine au total –directement concernés par le devenir du Musée National de la Marine- aussi bien à Paris que sur le littoral.

Nous avons associé à cette démarche la nouvelle génération d’acteurs et de lieux muséographiques qui, à côté du Musée National de la Marine, font aujourd’hui partie intégrante du paysage culturel maritime français.

Nous avons cherché, dans la limite des moyens de notre mission, à nous donner des repères en allant observer sur le terrain des musées maritimes nationaux d’autres pays européens.

Nous avons retiré de ces échanges, de ces rencontres 5 convictions fortes, partagées par la quasi-totalité de nos interlocuteurs :

1ère conviction : la France a plus que jamais besoin aujourd’hui d’un grand musée maritime national !

Pour « mobiliser, selon la belle expression d’un de nos interlocuteurs, le passé au service de l’avenir » face à des enjeux, de souveraineté, de sécurité, de développement,  cruciaux pour notre pays.

Pour mener aussi une bataille proprement culturelle : celle de l’ouverture des français et notamment des jeunes, sur le large, donc sur le monde.

2ème conviction: le musée de Chaillot doit se transformer profondément pour porter cette ambition ;

Le musée actuel cumule deux handicaps :

Un déficit de sens, relevé par tous nos interlocuteurs.

 Déficit qui tient :

A l’imprécision de la mission actuelle du Musée qui ambitionne d’être à la fois un musée technique et un musée d’histoire mais où dans les faits, l’approche artistique des collections prévaut alors que la mise en perspective historique fait très largement défaut.

Au décalage entre l’obligation, imposée par les textes au Musée, de s’intéresser à toutes les marines  – de guerre, de commerce, de pêche, de plaisance –  et la réalité de ses collections ;

– A une scénographie captive des collections qui concernent surtout une période de l’Histoire maritime, les 17ème et 18ème siècles, avec des modèles et maquettes fréquemment conservés en plusieurs exemplaires identiques.

Ce qui conduit aussi, parallèlement, à considérer les établissements littoraux du Musée de la Marine comme des annexes du site de Chaillot au détriment de leur vocation propre.

A ce déficit de sens s’ajoute un autre handicap : l’obsolescence de l’équipement muséal de Chaillot et de ses espaces d’accueil.

Obsolescence qui explique pour partie les difficultés du Musée à accroître sa fréquentation, et  à développer une politique de partenariats avec les principaux acteurs de la communauté maritime.

3ème conviction : il faut concentrer les efforts et les moyens sur Paris et plus précisément sur le site de Chaillot

– Sur Paris, compte tenu de l’ambition nationale revendiquée ;

– Sur Chaillot, qui est un lieu emblématique pour toute la communauté maritime française.

Un site dont la proximité avec la Seine, jusqu’ici inexploitée pourrait être dans l’avenir davantage mise à profit : par exemple par l’accueil d’un navire de patrimoine au pied de la Tour Eiffel.

L’importance des travaux de rénovation de Chaillot, ajoutés aux investissements nécessaires à la remise à plat de la programmation et de la scénographie du Musée, implique d’obtenir  du Ministère de la Défense une dotation financière exceptionnelle. Elle implique aussi, dans le contexte budgétaire actuel, une concentration des investissements du Musée sur le site de Chaillot.

4ème conviction : il faut repenser les relations entre le Musée National de la Marine et les acteurs culturels maritimes présents sur le littoral.

Le paysage muséographique maritime s’est profondément transformé depuis une vingtaine d’années.

Des acteurs nouveaux ont émergé et développé des projets cohérents avec l’histoire maritime locale, des projets ambitieux soutenus par les collectivités locales et qui sont su trouver leur public.

C’est vrai à , à Dunkerque, à Boulogne, à Cherbourg, à Lorient, à Saint Nazaire, à La Rochelle, à Saint Tropez, et bien sûr… à Rochefort. Et d’autres réalisations sont à venir : à Fécamp, au Havre, à Bordeaux, à Saint Malo…

Le Musée National de la Marine a un vrai rôle à jouer dans l’animation de ce réseau où son intervention est souhaitée par tous. Une intervention respectueuse des identités et des projets locaux, sous forme d’aide à l’élaboration de projets, de coproduction d’expositions et de manifestations, de journées d’échange, de prêts et de dépôts d’objets.

Dans le cadre de cette approche, il nous semble nécessaire de réexaminer la situation des établissements littoraux du Musée de la Marine.

Le développement du rôle du Musée comme tête de réseau n’implique plus obligatoirement l’intégration dans une même structure administrative du Musée de Paris et des ses établissements littoraux.

Et ce d’autant moins là où se sont développées, dans les villes concernées, en dehors du Musée de la Marine, des dynamiques culturelles maritimes fortes.

A l’heure de la décentralisation, cette remise à plat, à notre sens, s’impose. Elle doit pouvoir prendre une forme adaptée à la spécificité de chaque site.

5ème conviction : il est impératif de construire une vraie stratégie de partenariats.

C’est un enjeu crucial pour sécuriser l’avenir du Musée.

Cette stratégie doit prendre appui sur la dynamique du nouveau projet culturel du Musée et s’orienter dans trois directions :

– L’ouverture aux grands acteurs économiques du monde maritime,

– L’ouverture à d’autres acteurs publics : la ville de Paris bien sûr dont certains projets, comme Paris Plage auraient tout à gagner à s’enrichir d’une ouverture culturelle vers le fleuve et au-delà vers la mer ; le groupement des ports  autonomes de Paris, Rouen et Le Havre; les grands acteurs du monde universitaire et scolaire.

– L’ouverture enfin à des partenariats privés pour le développement de services commerciaux du Musée.

Voilà, Monsieur le Ministre, les convictions que nous nous sommes forgées au cours  de notre périple  et au gré de rencontres toutes stimulantes avec des hommes et des femmes passionnés qui, comme nous, attendent aujourd’hui beaucoup de vous ! »

Benedict Donnelly

Ci-dessous les liens pour avoir accès au discours du Ministre de la Défense et au texte intégral du Rapport Donnelly/Orsenna.

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