Atlas des Espaces Maritimes de la France : Monsieur Berville, voici votre livre de chevet !

C’était une première : le 20 juin dernier, au lendemain du 2ème tour des élections législatives, avant même le début de la session parlementaire, les députés se sont vu proposer par un collectif de scientifiques une formation express aux enjeux écologiques, notamment à la crise climatique et à l’érosion de la biodiversité.

Belle initiative qui pourrait utilement en susciter d’autres, par exemple sur les enjeux maritimes de la France. On ne saurait trop à cet égard recommander aux candidats formateurs de s’appuyer sur un livre de référence publié en avril dernier aux Editions Pedone : « L’Atlas des espaces maritimes de la France ».

Un Atlas dont le nouveau Secrétaire d’Etat à la Mer serait bien inspiré, en tout cas, de faire son livre de chevet !

Comme l’écrit dans sa préface le professeur Alain Pellet, cet atlas est beaucoup plus qu’un atlas : « une somme de connaissances, une « encyclopédie…, une double somme, très impressionnante portant à la fois sur les espaces maritimes relevant de la République française et les restes insulaires de feu son empire colonial. »

 La géographie nourrit toute l’approche du livre en mettant en perspective – et en question(s) – la dimension exceptionnelle du domaine maritime de la France, le deuxième du monde après celui des Etats-Unis avec 10 millions de km².

Cette reconstitution par l’océan d’un nouvel empire français est l’enfant improbable de la mutation profonde du droit de la mer à la fin du siècle dernier et du maintien de la souveraineté de la France sur des îles dispersées dans tous les coins de la planète qui « donnent » à notre pays 95 % de son territoire maritime.

La convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 a , en effet, selon l’expression d’ Alain Pellet, « considérablement accru « les possibilités d’une île » et bien qu’elle ait au départ un peu traîné les pieds, la France a assez rapidement réalisé tout le parti qu’elle pouvait en tirer ».

La France des diplomates et des juristes – appuyée sur l’expertise de ses géographes – y a pris toute sa part. L’Atlas détaille, cartes à l’appui, les combats pacifiques menés sous nos couleurs, hier et aujourd’hui, sur tous les océans du globe. Car la France compte aujourd’hui 39 frontières maritimes avec 30 pays dont seulement 5 se situent aux abords du territoire métropolitain : autant de frontières, autant de délimitations à définir et à valider !

Pourtant partie prenante, pour beaucoup, au combat pour la défense de nos nouvelles frontières, les auteurs – un collectif de juristes et de hauts fonctionnaires sous la direction d’Alina Miron et de Denys-Sacha Robin – n’en dissimulent pas les fragilités qui sont autant de défis pour nos gouvernants : « Eclatement, éloignement, dispersion et origines coloniales de ce domaine maritime, sont autant de facteurs importants de faiblesse auxquels il importe de confronter les acteurs politiques nationaux. »

Fernand Braudel, cité par l’un des auteurs, écrivait dans l’Identité de la France, que « la frontière a dévoré l’histoire de France » en raison des efforts que sa formation et sa défense ont exigés de l’Etat. En sera-t-il ainsi demain pour nos frontières maritimes ?

Alain Pellet dans sa préface, aborde la question sans détour : « On peut lire, répété à satiété que grâce à nos territoires d’outre-mer, l’espace marin français est le deuxième du monde après celui des Etats-Unis. Soit ! Et alors ? Bien sûr qu’il y a des enjeux économiques et stratégiques mais pour « la grande puissance moyenne » qu’est notre pays la conservation et le contrôle de ces immenses espaces maritimes sont-ils nécessaires ? utiles ? voire raisonnables ? »

L’Atlas apporte à ce débat un éclairage historique stimulant sous la plume de Cyrille Coutansais pour qui la France est au troisième carrefour maritime de son histoire. Par deux fois, rappelle t’il, notre pays a raté son rendez-vous avec l’océan, en se repliant sur son horizon immédiat plutôt que de s’ouvrir sur le grand large. L’auteur écarte l’hypothèse d’un prétendu atavisme terrestre et met l’accent, preuves à l’appui, sur la responsabilité des gouvernants. Qu’en sera-t-il aujourd’hui ? L’histoire se répètera t’elle ? En tout état de cause, après la publication de cet « Atlas des Espaces Maritimes de la France », nos gouvernants ne pourront pas dire : « nous ne savions pas ».

Benedict Donnelly

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