Salut à Michel Le Bris !

Nous l’avions pressenti, Erik Orsenna et moi, pour succéder à Erik à la présidence de la Corderie Royale. Finalement, je ne sais pas trop pourquoi, le projet n’a pas abouti. Cela nous a valu un dîner mémorable – et bien arrosé… – chez Erik dans sa maison de la Butte aux Cailles. J’ai été heureux, un peu plus tard, d’apporter le soutien financier de SFR à son Festival Etonnants Voyageurs. Entre temps, il nous aura fait partager son amour pour la Baie de Morlaix à travers le regard lumineux de son « Hiver en Bretagne ».

Dans son interview à l’Express, il y a une douzaine d’années, il avait évoqué sa relation très singulière avec l’océan : « J’entendais déjà la mer dans le ventre de ma mère. » C’est cette singularité qu’a voulu saluer Anne Donnelly dans son livre « Condamné à mer » dont nous publions ici ce court extrait en hommage à Michel Le Bris, disparu ce dimanche.

Benedict Donnelly
Un hiver en Bretagne. Michel Le Bris

« Michel Le Bris n’a pas de goût pour la fadeur. Impossible d’ailleurs quand on est breton du nord, quand on naît face à la baie de Morlaix. Même si l’arrière saison se pare souvent d’une infinie douceur, nul n’a le loisir de s’amollir dans ce pays de contrastes : comme on dit plaisamment aux touristes, toutes les saisons se succèdent en une journée. Sans parler des coups de vents et des marées d’équinoxes souvent tempétueuses. Qui aime comme moi ce pays, a le goût des saveurs fortes, iodées, éprouve du plaisir à respirer la vase, à la laisser s’incruster sous les ongles de pieds les parant alors d’un drôle de vernis vert de gris. Aimer le vent, aimer la pluie et même, assez rarement, il faut bien le dire, la brume, parce que, de surcroît, le soleil vous sera donné. Ce pays, c’est aussi  le mien et, comme Le Bris, j’accepte de me donner à lui parce que je sais le quitter. C’est dans le champ si vaste de la marée basse où se découvre le territoire des pêches à pied que la puissance de l’origine est fulgurante. Même si tout est fait pour l’aseptiser aujourd’hui, la naissance d’un enfant – ou d’un animal, tient de l’irruption volcanique en milieu aquatique, tant par la violence des mouvements que la viscosité des matières qui protègent et accompagnent le foetus dans sa pousse ». C’est ce à quoi m’ont fait penser ces quelques lignes glanées dans son livre « Un hiver en Bretagne » :

 » Elle s’avance à fleur d’eau, dans un tournoiement de mouettes et de fulmars, glisse sous les vagues en furie, telle une ombre, et meurt sur les galets en un énorme hoquet, que l’on dirait vomi des entrailles de la mer, roule, s’étale, englue sable et galets d’une épaisse couche que déchiquètent déjà des nuées d’oiseaux, et son odeur puissante de ventre en gésine, brassée par des bourrasques, emplit toute la grève : la grande marée du goémon noir. »

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