Le Vendée Globe et l’ouverture au monde

Quel bonheur quand les courses à la voile autour du monde permettent de re-découvrir le monde !

Je n’ai pas boudé mon plaisir à la lecture de l’article de François-Guillaume Derrien sur le Vendée Globe paru dans Ouest-France du 23 novembre.

Article inspiré par la photo ci-dessous prise par un des concurrents du Vendée Globe, Yannick Bestaven, au large des côtes brésiliennes.

Comme le raconte F.G Derrien, les « cailloux » que longent plusieurs concurrents appartiennent à l’ile de Trindade : « une ile découverte en 1501, par le navigateur galicien João da Nova, mais pour le compte du Portugal. Elle a été baptisée par Estevão da Gama, cousin de Vasco de Gama, un an plus tard, du nom qu’elle conserve aujourd’hui.

En 1700, l’astronome anglais Edmond Halley aurait été le premier à débarquer sur le caillou. Il en a pris possession au nom du Royaume-Uni, créant du même coup un conflit diplomatique qui n’a été résolu qu’à la fin du XIXe siècle quand le Brésil – colonisé par les Portugais – a déclaré son indépendance »

Mais, ajoute le journaliste d’Ouest-France, « en amenant des animaux venus d’Europe sur cet îlot fortement vallonné (son point culminant, le pic São Bonifácio, atteint 625 mètres), le chercheur de comètes n’a pas eu là une idée lumineuse.

En 1994, ce sont quelque 800 chèvres, 600 brebis et centaines de porcs qui ravageaient l’île, sa forêt, ses cours d’eau, et impactaient fortement la reproduction des espèces endémiques de tortues (l’île possède la deuxième plus grande communauté de tortues vertes de l’Atlantique sud). 300 ans après, une vaste campagne d’éradication a donc été lancée, au milieu des années 1990)

Une campagne qui porte aujourd’hui ses fruits, la nature reprenant ses droits petit à petit. Mais davantage que l’ïle, c’est tout le secteur que le Brésil a décidé de placer sous protection, en inscrivant en 2018 cette zone parmi ses aires marines protégées. Coraux, poissons et crustacés, dont le crabe jaune en voie de disparition, Trindade est également un lieu de reproduction pour les oiseaux marins. »

Puissent les médias qui suivent le Vendée Globe suivre eux aussi l’exemple d’Ouest-France !

A titre personnel, j’ai essayé autrefois d’inscrire la mémoire de la mer au cœur des aventures à la voile d’aujourd’hui. Directeur de la communication de la Lyonnaise des Eaux à la fin des années 80, j’avais eu à piloter le sponsoring de la tentative du navigateur français Philippe Monnet contre le record de la traversée New-York-San Francisco à la voile. Un record établi en 1851 par le clipper Flying Cloud. Pour accompagner en communication interne ce partenariat, j’avais demandé à un  journaliste-historien de la voile, Daniel Charles, de mettre en perspective le record de Flying Cloud , « irrésistible symbole du rattachement de la Californie aux Etats Unis »

« . .. Au milieu du 19ème siècle, les deux rives des USA étaient alors séparées ou par les Rocheuses ou par le Cap Horn au choix. La Californie n’est atteinte qu’après une demi-année de voyage hasardeux ou dans des chariots bâchés, au travers des terres indiennes pas encore pacifiées ou dans les cabines étriquées des grands packetships. Le bout du monde.

En 1847, la Californie n’est encore qu’une possession éloignée du Mexique. Il y a une grande baie au nord avec une mission : San Francisco de Asis ; le village voisin de Yerba Buena compte 44 maisons, un moulin à vent et six rues. Mais en 1851, l’année où Flying Cloud établit son record, Yerba Buena est devenue San Francisco et les six rues sont devenues soixante-dix sept. Entre-temps, la Californie est devenue territoire des Etats-Unis en 1851). Et on y a découvert de l’or….

En 1849, 50 000 personnes traversent le continent en chariot ; 6500 passent par l’Amérique Centrale et 16 000 par le Cap Horn. Deux cent soixante-quinze  navires atteignent cette année – là San Francisco, qui ne comptait que deux maisons douze ans plus tôt… Vue de la Côte Est ou d’Europe, la Californie devient une fiction pavée d’or. Et l’express pour atteindre ce pays de cocagne est un navire, le clipper…

Chaque nouvelle coque de clipper , chaque nouveau lancement est un évènement, exalté avec le romantisme du temps :

« Et voyez ! Elle frémit ! Elle sursaute, elle bouge, elle paraît éprouver les frissons de la vie au long de cette quille, et repoussant le sol du pied, d’un bond exaltant, joyeux, elle saute dans les bras de l’océan. Et ho ! de la foule assemblée monte un cri, sonore et prolongé, qui à l’océan semble dire ; « Prends-la, ô fiancé, vieux et gris, prends la dans la protection de tes bras avec toute sa jeunesse et se charmes. ».

En anglais, c’est assez beau poème, par un excellent poète, Henry Longfellow, qui célèbre le lancement (le 15 avril 1851) d’un très remarquable clipper, Flying Cloud !

Qu’on en s’y trompe pas : si un poète aussi coté s’épand sur la mise à l’eau d’un navire, c’est qu’un tel lancement n’arrive pas tous les jours. Les clippers sont l’exception plutôt quel a règle. Leurs formes sont si effilées que la charge utile est ridiculement faible ; leurs gréements énormes sont fragiles, donc coûteux. En bref, ce soit des sortes de Ferrari de transport, à une époque où la vitesse prime sur la capacité, parce qu’il y a un boom économique à l’autre bout du continent, que tous s’y vend à n’importe quel prix. Mais cette époque déraisonnable ne n’éternisera pas ; Les vrais clippers – les Formule 1 de transport – ne vivront aux USA que de 1846 à 1859, pour être supplantés par les down-easters, plus volumineux, moins voilés, plus rentables.

1846-1859 : treize ans pour impressionner durablement les imaginations ! Mais treize années cruciales pour les USA. La ruée vers l’or apporte une prospérité sans précédent ; les 15 000 000 de dollars payés par les USA au Mexique pour l’achat de la Californie sont amortis en moins de deux ans. De 1850à 1860, le commerce extérieur US double, de 317 millions de dollars à 680 millions de dollars ; le tonnage de la flotte de commerce s’accroît de près de 70 %. Les clippers extrêmes produits par Griffith, Mc Kay, Pook, Webb… sont les porte-drapeaux de cette abondance : ce sont eux qui entreront dans la légende, eux que l’on retiendra. Et, parmi eux, Flying Cloud, qui se révèlera le meilleur compromis entre taille et performances. »

Benedict Donnelly

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