Palmarès Mémoires de la Mer 2022 : prix de la BD

USS Constitution (Tome 3) de Franck Bonnet (Éditions Glénat)

Le commentaire du jury, par Emmanuel de Fontainieu :

En remettant ce prix à Franck BONNET pour le tome III de USS Constitution, le jury des Mémoires de la Mer est heureux de récompenser, indirectement, une série BD complète (trois tomes).

  • une série historique – les faits sont réels – et maritime remarquablement documentée,
  • une série centrée sur la vie du fameux USS Constitution, navire éponyme qu’on peut encore visiter à Boston aujourd’hui. Sa construction – décidée par le « Naval Act » en 1794 – marque la naissance de la Marine américaine. Un mythe flottant…
  • une série basée sur une histoire peu connue en France : l’intervention de la Navy en Méditerranée, au tout début du XIXe siècle, pour contrer les agissements des pirates barbaresques. Le tome III de la série s’ouvre en mai 1804. L’objectif est le blocus et le bombardement de Tripoli par l’escadre du commodore Prebble.

Avec Franck BONNET, c’est un vent d’Amérique qui souffle sur la BD : on n’a pas oublié les 12 tomes (!) des Pirates de Barataria, une saga pleine d’embruns commise avec son complice Marc BOURGNE, ancrée dans la Louisiane du pirate Jean Lafitte.

Franck BONNET

Nous saluons ici l’ouvrage de la maturité : scénariste et dessinateur, Franck BONNET est désormais un auteur complet.

Au-delà de la fidélité à l’Histoire – bien expliquée – il faut souligner d’abord la place du navire dans la narration : Constitution devient un véritable personnage, passé au scanner de la soute aux câbles jusqu’aux hunes les plus escarpées, cadrées serré par le dessin ou en plan large, souvent dans des angles improbables. Le maquettiste de navires qu’est Franck BONNET révèle tout son talent dans ces magnifiques tableaux. L’équipage s’y déploie comme dans une encyclopédie de la vie à bord : on voit comment changer une vergue, servir le canon, escalader les enfléchures, virer au cabestan…

Le projet est d’ailleurs servi par un graphisme bien affûté :

  • précision du trait : BONNET est un érudit de la chose maritime. Son aptitude au dessin technique excelle dans le foisonnement d’un gréement traditionnel ou le genre du « portrait de navire »,
  • palette sombre : l’auteur a la passion du noir. Ce qui non seulement correspond bien à ce monde de pénombre qu’est le navire de guerre, mais permet surtout de découper dans la page des halos de lumière : visages éclairés à la chandelle, explosion de brûlot dans la nuit ou même silhouettes dénudées dans l’ombre,
  • mise en scène des corps : il y a une forte charge érotique dans cet album. Ombrage des muscles et postures des corps, la nudité est révélée, organisée, fantasmée même, dans les entreponts, les auberges de ports, les lupanars…

Enfin l’intrigue tire sa force de quelques mécanismes habilement actionnés :

  • Le jeu sur le genre : introduire une femme (travestie en homme) dans l’univers de brutes d’un vaisseau de ligne ne constitue pas vraiment une nouveauté. François BOURGEON avait brillamment ouvert la voie dans ses Passagers du vent. Mais le procédé se révèle une fois de plus diablement efficace dans le huis clos du navire. Il fabrique du danger (on a peur pour elle), du suspense (sera-t-elle démasquée ?), de la perturbation (menace, chantage, protection, etc).
  • La vengeance familiale tient lieu de ressort ultime en fond de récit. Elle produit un personnage négatif particulièrement ignoble (donc très réussi !) en la personne de l’oncle, érotomane et sans scrupule.

Bref, on est pris…

… et on apprend.

Emmanuel de Fontainieu
Directeur du Centre International de la Mer
La Corderie Royale – Rochefort

Les jurys et les lauréats des Mémoires de la Mer 2022 samedi 22 octobre au Théâtre de la Coupe d’or à Rochefort

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